Alors la Bretagne tu trouves ça comment ? Comment es-tu arrivé là ?
J’ai suivi un parcours riche de plusieurs expériences, en partant de Toulouse il va y avoir dix ans, à l’été 2006. Avec depuis des étapes de vie à l’étranger, surtout en Espagne, mais aussi en Italie, ainsi que dans plusieurs villes françaises. En décembre 2012, j’ai eu un premier contact avec Ouest-France. J’ai alors fait « un choix sportif », pour ainsi dire ! « Le premier journal de France » ne se refuse pas. En janvier 2013, je posais pour la première fois mes valises dans une ville plus au nord que Toulouse ! Avec quelques incertitudes, il faut bien l’avouer. Mais la magie a opéré tout de suite, entre l’accueil formidable, l’état d’esprit des gens d’ici et la qualité de travail. J’ai retrouvé en Bretagne une identité forte, des valeurs singulières, un attachement à l’histoire de cette terre, c’est ce que j’aime le plus de ce territoire. Je suis très attaché à l’Occitanie et à l’Andalousie… J’ai retrouvé en Bretagne cette même « fierté d’être », cette culture de l’identité propre. Ça a été un levier important de mon intégration. J’avais l’habitude de me fixer un maximum de deux ans par expérience. Trois ans après mon arrivée ici, je suis parti pour rester et je peux déjà dire que quoi qu’il arrive désormais, la Bretagne fera toujours partie de moi.
Depuis quand supportes-tu le Téfécé ?
L’intérêt pour le Téfécé est le fruit d’un héritage familial. Je suis allé au Stadium très jeune avec mon père et mon grand-père. Tout pitchoun, je n’étais pas particulèrement attiré par le Téfécé, mais la famille a fait le reste. J’ai été abonné jusqu’en National avec mon grand-père et mon père, ce qui me donne le statut de « membre fondateur » du club. A cette époque, nous allions voir les matches le vendredi soir au stade des Sept-Deniers (renommé depuis Ernest-Wallon), dans l’antre du Stade Toulousain, car l’explosion d’AZF avait endommagé le Stadium. Le Téfécé, pour moi, c’est d’abord la famille (je suis allé au Stadium ou en déplacements avec mon père, ma mère, mes deux grands-pères, un oncle) et le Stadium. J’adore ce stade, j’y ai passé tellement de temps que j’ai l’impression d’y être un peu chez moi. Mais avec le club, j’ai connu deux ruptures. La première lors du départ de Christophe Revault, un gardien et mec exceptionnel, resté en National pour entourer les Pitchouns, qui a vu sa femme et sa fille blessées lors de l’explosion d’AZF… Je me souviens du premier déplacement en National à Boulogne-sur-Mer, en août 2001. Les Violets avaient gagné 3-0, lui était venu nous voir sur le parking (nous, les supporters) et avait filé des billets de sa poche « pour l’essence et les péages. » Grande classe. Bref, je n’ai pas apprécié sa mise de côté, juste pour faire revenir Fabien Barthez, qui finalement n’est jamais revenu… La seconde rupture s’est produite en demi-finales de la Coupe de France 2009, lors d’une défaite face à Guingamp à domicile, en jouant à onze contre dix, dans un Stadium bondé… Les supporters rennais connaissent la suite, malheureusement. Aujourd’hui, je suis de loin le club et son actualité, avec toutefois toujours des relais sur place. Que dire ? Il n’y a pas de véritable projet sportif… Je préfère ne pas développer…
Tu es de Toulouse tu continues donc de suivre des clubs qui rament pour avoir des trophées, c’est une passion ou une simple coïncidence ?
On me pose souvent cette question ! « Pourquoi avoir quitté Toulouse pour Rennes ? », en évoquant les clubs ! Comme je disais auparavant, pour des questions professionnelles j’ai vécu dans plusieurs villes et souvent eu beaucoup de « bonnes coïncidences ». J’ai vécu un titre en Ligue Europa et une Coupe du Roi à Séville, une Coupe de la Ligue et un titre de champion à Marseille, j’étais en Espagne pour la Coupe du monde 2010 et les Euros 2008 et 2012… Donc je ne suis pas un énième chat noir ! En fait, en débarquant à Rennes, j’ai repris le fil de mon histoire « to lose ». Mais j’ai bon espoir que ça puisse vite évoluer et assez vite. Oui bon, je ne couvre l’actualité du Stade Rennais que depuis août, comprenez ma naïveté ;)
Au risque de mettre ta vie en danger dans la rédac’ Ouest France tu peux nous dire : QUI fait la meilleure saucisse entre Toulouse et Rennes ?
Excellente question ! Je dois avouer avoir découvert la saucisse rennaise en débarquant ici, pour moi jusqu’alors le « derby de la saucisse », c’était Toulouse - Strasbourg, je me souviens d’ailleurs d’un tifo avec une banderole des Indians Tolosa à ce propos, la saison où José Luis Chilavert a signé au Racing (il avait suivi son premier match des tribunes, au Stadium). La meilleure gastronomie, c’est le Sud-Ouest, ma Gascogne familiale (« Idrac » est gascon, pas serbo-croate, je précise pour l’avoir trop entendu !), il n’y a pas photo, ni débat. Mais pour la saucisse, je préfère celle de Rennes. Pour une raison simple : celle de Toulouse est excellente quand elle est dans le cassoulet. Alors que celle de Rennes n’a pas besoin d’haricots, elle se déguste presque seule, dans un drap de galette. Elle a réussi un exploit me concernant : je n’avais jamais mangé de saucisse sans pain et je ne l’aurais jamais imaginé ! Pour tout ça, elle gagne. Puis la saucisse de Rennes au marché des Lices le samedi, dans un bar avec les amis, c’est juste incomparable ! Je viendrais à pied depuis Toulouse pour ne pas la rater ;)
Justement tu ne te fais pas trop chambrer à Ouest-France ?
Si, beaucoup ! Plus pour l’accent que pour l’origine, ce qui ne revient pas tout à fait au même. J’ai « lissé » mon accent d’ailleurs, sans le vouloir, mais sans doute à force de prendre des remarques, toutes bienveillantes, ou presque ! Je cumule le fait de ne pas bien articuler et un accent fort, du coup j’ai dû m’adapter, surtout pour être bien compris. Notamment à Pleine Lucarne. En tout cas, à OF et au-delà, j’ai l’impression d’être un ambassadeur permanent, ça me plaît et c’est plutôt agréable grâce à l’ouverture d’esprit des gens d’ici.
Tu te souviens d’un TFC-SRFC en particulier ?
Les deux équipes ont fait le yo-yo à la même époque, fin des années 1980, début des années 1990, avec une blague toulousaine qui existe en version rennaise : « Qu’est ce qui est violet, qui monte et qui descend ? » Du coup je n’ai pas trop de souvenirs de TFC - Rennes dans mon enfance, il y en a eu très peu. En revanche, je me souviens d’un TFC - SRFC en ouverture du championnat, en août 1997. Toulouse retrouvait la D1 et avait gagné 1-0 au Sept Deniers, à cause des travaux au Stadium pour la Coupe du monde 1998. De mémoire, Bordeaux avait battu Monaco et L’Equipe avait titré le lendemain « Le Sud-Ouest en fête », une vraie faute de culture… Bordeaux, ce n’est pas le Sud-Ouest ! Je me souviens aussi du but d’Ali Ahamada de la tête à la dernière minute. J’étais revenu chez moi pour un week-end et j’étais allé au Stadium, en virage, juste derrière les cages où il avait marqué ce soir-là. Puis j’ai aussi en mémoire un cinglant 0-5 avec une prestation d’Ali Ahamada qui aurait mérité la prise de match rennaise. J’étais déjà à Ouest-France, j’avais fini par éteindre le portable ce soir-là !
On te voit régulièrement à l’émission Pleine Lucarne, il y a une communauté très active des supporters sur les réseaux : y a-t-il la même chose à Toulouse ? Le même dynamisme dans les médias et réseaux sociaux autour du TFC ?
Non, ce n’est pas comparable. Le site « Allez les Violets » fait beaucoup pour la couverture du club et prend de plus en plus de volume, mais il n’y a pas d’équivalent de « Pleine lucarne » et la médiatisation est bien moindre. Le Stade Rennais est le club de la ville, dans une terre de football. A Toulouse, le club de la ville, c’est le Stade Toulousain. Le Téfécé est plus le club de Midi-Pyrénées. Ce serait long à expliquer, mais en tout cas cela n’a rien à voir avec Rennes. Autant, depuis la Bretagne, on sous-estime l’attractivité réelle du TFC dans la région, autant il faut souligner que la passion autour du Stade Rennais et sa médiatisation sont nettement supérieures. Et le dynamisme autour du club incomparable.
D’où vient donc cette blague que vous faites à toutes les émissions sur Michel Sorin ?
J’en revendique la paternité et la lourdeur. Le lundi 14 septembre 2015, jour de la signature du protocole d’accord de Yoann Gourcuff au Stade Rennais, une info m’était parvenue comme quoi le joueur arrivait à la Piverdière à 13 h 30. L’émission avait lieu dans les locaux de TV Rennes, Vincent avait invité Michel Sorin, qui à 12 h 30 n’était toujours pas arrivé… Vincent a alors essayé de le joindre plusieurs fois, en vain. On l’a attendu de longues minutes, plus longues encore pour moi puisque je savais que Gourcuff était susceptible de débarquer à la Piverdière… Finalement, on a commencé l’émission sans lui et il n’est jamais arrivé ! (il avait complètement oublié il me semble, et laissé son portable dans une pièce où il n’était pas) Du coup, pendant cette émission, j’ai renvoyé deux - trois fois la balle à Michel Sorin. Par exemple, lorsque Vincent me demandait un avis, je rétorquais : « J’ai exactement le même avis que Michel Sorin », ce qui amusait autour de la table et dans le public. Puis c’est devenu un rituel à chaque émission, sans que cela soit concerté au préalable. Disons que j’ai fait une nouvelle allusion à Michel Sorin à l’émission suivante, et ainsi de suite… J’espère vraiment qu’il ne le prend pas mal !
Les rennais pratiquent souvent l'autodérision à force de désillusions, les toulousains ne sont pas en reste (les supporters ont “célébré” la descente du club de manière festive) qui remporte la palme selon toi ?
Il y a tellement match que c’est presque un derby ! Je donnerais un petit avantage aux Toulousains depuis samedi dernier. Les banderoles, les confetti, la fête pour la Ligue 2, c’était très fort.
Le maintien, tu y crois toujours ?
Non, mais alors pas une seconde. Et ce n’est pas souhaitable pas non plus, à vrai dire. Autant repartir en Ligue 2 avec des Pitchouns formés au club. Lors de la dernière descente, en National en 2001, l’équipe réserve, à peine renforcée, a ramené le club en Ligue 1 en deux saisons. Et on pouvait s’identifier à ces joueurs, à leurs valeurs. Un club comme Toulouse ne peut exister qu’à travers son centre de formation.
Tu n’étais pas à l’émission Pleine Lucarne du 22/02, on ne sait donc pas ce que tu penses du match qui arrive. Ton pronostic ?
Je pense que Rennes a l’occasion de prendre sa revanche sur un soir de mai 2007 où la musique de la Ligue des champions a embrasé le Stadium, après un succès 3-1 dans le derby de la Garonne (triplé d’Elmander) et une égalisation lilloise sur le fil face à Rennes… La roue a tourné, Rennes joue l’Europe et peut envoyer Toulouse en Ligue 2. J’ai vu samedi dernier en intégralité TFC - Gazélec Ajaccio (sans m’endormir…), là j’imagine une victoire rennaise claire. En marquant rapidement (par une action collective ;) pourquoi pas), il n’y aura pas match et la soirée peut virer à l’enterrement pour le Téfécé.