Itinéraire d'un chat noir, par @Latorfe

Itinéraire d'un chat noir, par @Latorfe

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Le Stade Rennais est-il condamné à sombrer dimanche après-midi ? Début de réponse avec un supporter quasi-maudit.

16 buts en 5 matchs, une équipe souveraine au Roazhon Park, une leçon donnée au voisin, Yoann Gourcuff rejoue au football, Ousmane Dembélé et Fallou Diagne se disputent le titre de meilleur joueur de ligue 1. Non, absolument rien ne résiste actuellement au Stade Rennais !

Tout porte à croire que Rolland Courbis n’est pas totalement étranger à cette mutation de l’équipe en Super Saiyan du football français. On sait l’homme très superstitieux, et aussi doit-il se persuader que le changement de banc de touche opéré à son arrivée est la clé de voûte de sa réussite. Mais Coach Courbix est-il vraiment au courant de la malédiction qu’il devra affronter dimanche après-midi à l’Allianz Riviera ? Rangez vos écharpes et résiliez vos abonnements BeinSports, le match est probablement perdu d’avance.

Car c’est une petite bombe que j’ai lancée mardi matin à l’attention du camarade @BallonsurlaN12. En l’informant que dimanche, j’enfilerai mon écharpe pour partir sur la côte d’azur voir les Rouges et Noirs vêtus de blanc jouer un avenir européen, il a commencé à se fâcher tout rouge avant de pleurer toutes les larmes de son corps. Monsieur Ballon connaît les conséquences de mon choix.

 

Car en déplacement, j’ai cette réputation de chat noir de compétition, de porte-poisse au carré. Et il faut avouer que mon historique n’a pas toujours été très glorieux. Pour comprendre, petit retour en l’an 1 de l’ère Alex Frei :

Samedi 26 Avril 2003. Coïncidence spatio-temporelle, la première ½ finale de Coupe de France du SRFC depuis ma naissance est programmée un samedi, en plein après-midi, à Auxerre, à seulement quelques kilomètres de la route des vacances que j’emprunte alors avec les parents. Quelques jours plus tôt le Stade Rennais a crée l’exploit des ¼ de finale, face à l’ogre Schiltigheim (2-1, Trofilou Maoulida et Fred Piquionne). 

Trop tentant pour ne pas essayer d’en profiter. Une fois les négociations abouties entre le paternel et sa co-pilote, pas franchement enjouée par le détour, nous arrivons sur place sans réelle illusion sur la possibilité d’assister à la rencontre. Un revendeur providentiel nous permettra finalement d’obtenir deux places en tribune. Je ne le sais pas encore, mais cet enchaînement de hasards un peu douteux, lance pour moi une série peu anodine, de déplacements tous plus calamiteux qu’une relance de Lamine Diatta.

Car la suite vous la connaissez sûrement. Sous mes yeux déjà dépités et face à Djibril Cissé, Petr Cech commet sa seule erreur dans les cages du Stade Rennais. Seule erreur vous dites ? En réalité, il n’est pas non plus totalement innocent sur une frappe de Fodil Hadjadj la légende, 6 mois plus tard à la Beaujoire, pour une énième défaite face au voisin. Un match pour lequel j’avais reçu une charmante invitation de la part de mon club de foot local. Pour moi, le Rennais du 44, autant vous dire que le retour en bus avec les coéquipiers avait été long (très long).

Mais ces deux matchs n’étaient en réalité qu’un teaser allégé en sel, des désastres auxquels j’assisterai par la suite. Des déplacements j’en fais peu. C’est à dire lorsque je me situe à proximité du stade ou quand un enjeu majeur le nécessite. La liste ci-dessous, c’est bien l’ensemble des matchs qu’il m’a été donné de voir entre 2003 et 2013, loin des odeurs de galette-saucisses du feu Stade de la Route de Lorient. Mouillez-vous la nuque, on est parti  :

 

  • 2003 : ½ Finale de Coupe de France - Auxerre/Rennes, 2-1

  • 2003 : Ligue 1 - 3e journée - Sochaux/Rennes, 1-1

  • 2003 : Ligue 1 - 9e journée - Nantes/Rennes, 1-0

  • 2007 : Ligue 1 - 38e journée - Lille/Rennes, 1-1  

  • 2009 : Finale de la Coupe de France - Rennes/Guingamp, 1-2

  • 2012 : ½ Finale de Coupe de France - Quevilly/Rennes, 2-1

  • 2012 : Ligue 1 - 37e journée - PSG/Rennes, 3-0

  • 2012 : Ligue 1 - 4e journée - Marseille/Rennes, 3-1

  • 2013 : Finale de la Coupe de la Ligue - Saint-Etienne/Rennes, 1-0

  • 2013 : Ligue 1 - 17e journée - Lorient/Rennes, 2-0

 

Et la question à mille galette-saucisses, je vous laisse deviner où j’ai pu vivre la finale 2014.

En statistiques détaillées ça donne :

  • 0 victoire, 2 nuls, 9 défaites

  • 7 catastrophes

  • 6 buts marqués pour 20 encaissés.

  • 5 matchs sur 11 où le Stade a encaissé un but décisif après la 80’...

  • ...dont 3 dans les arrêts de jeu (Cissé 1-2 90+1’, Fauvergue 1-1 90+5000’, Laup 1-2 90+3’).

A l’époque j’avais fait une petite carte pour essayer de d’illustrer ma conquête de la lose sur le territoire national.

Un vrai souci du détail dans le choix des rencontres donc. Par exemple, ce PSG-Rennes en 2012, seule rencontre à laquelle j’ai assistée au Parc en 3 années passées dans la capitale. C’était quand même plus judicieux que d’y aller la saison suivante. Il y a aussi le match nul contre Sochaux, mon “second” club. Aujourd’hui cela devient évident que personne ne pouvait l’emporter ce soir-là.

Alors un supporter rennais qui maudit un destin capricieux, rien de très original me direz vous. Je ne doute pas que vous-mêmes, au moment où vous lisez ces lignes, vous vous remémorez une rencontre douloureuse ou un but assassin. Après tout, il y en a eu bien assez pour que chacun puisse se souvenir d’un drame différent. Le football est un sport qui se joue à 11 et à la fin c’est le Stade Rennais qui perd. Finalement pour dimanche, je ferais peut-être bien d’économiser mon temps et mon argent.

Car aujourd’hui, que me reste-t-il de ces voyages en quête d’espoir ? Des images, des sons, des vertiges. Un feu d’artifice vide de sens tiré dans la brume de Villeneuve d’Ascq, la détresse de Romain Danzé sur la pelouse de d’Ornano, la clameur du virage Sud sur une frappe d’Eduardo. Et pourtant. Pour rien au monde je n’échangerai ce que j’ai vécu. Si à chaque rencontre le résultat final paraît si terrible et si cruel, c’est que la déception est à la hauteur des émotions engendrées. Pendant toutes ces minutes en parcage, plus encore que dans un bar, devant ma télé, ou même au Roazhon Park, j’ai espéré, crié, râlé, insulté, pleuré…

A l’heure où les diffuseurs cherchent à vous vendre la Ligue des Champions et les stars internationales, je ne me suis jamais senti aussi peu concerné par ces “grandes affiches”. C’est sans doute que j’ai la prétention de croire que le lien émotionnel et irrationnel qui nous lie à notre club est bien plus fort que la simple beauté du jeu. Voilà pourquoi dimanche, une nouvelle fois, j’irai voir notre Stade Rennais. Car la victoire n’est qu’une cerise. Et finalement qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon.

Alors comme le craint @BallonsurlaN12, le match de dimanche est-il pour autant déjà joué ? Doit-on prévenir Courbix qu’il faut tout mettre en oeuvre pour ne pas me laisser rentrer en tribune ? C’est un choix qui peut se défendre et que je serais prêt à accepter pour le bien commun. Mais en réalité nous ne devrions pas avoir besoin de ces extrémités. Rolland devrait pouvoir se contenter de toucher du bois sereinement.

Car Ballon est de mauvaise foi. Au milieu de cette terrible série se sont logées 90 minutes dorées, défiant toutes les lois métaphysiques, et qui m’ont permises d’entrevoir le bout du tunnel. Ce soir-là à Toulouse, j’ai assisté à une nouvelle preuve que le Stade Rennais ne fait rien comme les autres. Bien aidé par Ali Ahmada, j’ai vu les Rouges s’imposer 5 à 0. Incrédulité totale. Mieux, depuis la dernière finale de Coupe en 2014, je reste désormais sur plusieurs matchs sans défaite, avec même des victoires à Nantes. Les séries les plus longues et les plus douloureuses ont aussi une fin.

En attendant une chose est sûre. Dimanche après-midi, le Stade Rennais ne devrait pas nous laisser indifférent.

Signé, @latorfe