Bonjour Kévin, tout d’abord merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Commençons par les présentations, pourquoi et depuis quand es-tu supporter lillois ?
Depuis plus de 20 ans désormais ! Je suis né dans le Nord, ai habité à Douai tandis que mon père vivait à Wattignies, à proximité de Lille. Passionné de foot, il m’a transmis cet amour du ballon rond et m’a emmené pour la première fois dans un stade, à Grimonprez-Jooris en 1997 pour un Lille- Le Havre (ça fait rêver). J’ai supporté le LOSC à partir de ce moment-là, ai été abonné au début des années 2000 et ai même eu l’opportunité de travailler pour le club il y a 4 ans. Malgré la distance (j’ai quitté le Nord à 16 ans pour la Bretagne avant de rejoindre Paris il y a 3 ans), je suis resté et resterai un amoureux des Dogues.
Avant de parler de ton club de coeur, tu as écrit un livre, sorti avant la Coupe du Monde, qui s’intitule “Le mondial de football comme vous ne l’avez jamais lu”. Tu t’es servi de ta profession de data-analyst chez Opta pour retracer l’histoire de la compétition au travers de statistiques, tout en conservant un format agréable à la lecture. Tu peux nous le présenter ?
Avec plaisir. J’avais comme idée d’écrire un ouvrage depuis un moment. Après avoir traduit la biographie de Wenger, j’ai profité de la Coupe du Monde pour évoquer ce projet, projet qui n’aurait pu exister sans l’apport d’Opta, dont la base de données sur la plus belle de compétitions est immense. Avec Loïc Moreau, co-auteur, on a voulu offrir un éclairage inédit sur la Coupe du Monde, aller plus loin que tout ce qu’on avait pu lire jusque là, tout en revenant sur des moments clés et autres records. On a fouillé la base de données comme des dingues pendant plusieurs semaines pour arriver à ce résultat. Petite indiscrétion, un nouvel ouvrage sur la Ligue des Champions arrive à la rentrée !
Comme une Coupe du Monde supplémentaire vient de se terminer, il faut tout revoir ou vous avez prévu le coup ?
Beaucoup restent en l’état, mais des records sont tombés, des faits marquants ont eu lieu. Je pense notamment à Cristiano Ronaldo, joueur le plus âgé à inscrire un triplé en Coupe du Monde, la précocité de Mbappe, la malédiction des champions en titre qui se poursuit, les ballons récupérés par Kanté etc. On pourrait actualiser notre ouvrage, l’idée a même été évoquée, mais ce n’est pas d’actualité pour l’instant. Peut-être à l’avenir !
Revenons au LOSC. On a eu très peur pour vous l’an dernier, qu’est-ce qu’il s’est passé ? L’échec Bielsa, le rattrapage extrêmement poussif de Galtier, qui ne doit son salut qu’à une série de trois victoires entamée à la 35e journée, les rumeurs de rétrogradation administrative… on vous croyait fumés.
Disons que le projet ne prenait pas en compte le moindre grain de sable. De par la jeunesse et l’inexpérience de l’effectif et le style Bielsa, la première contrariété a été synonyme de début de la fin. Plusieurs erreurs ont été commises, la malchance n’aidant pas, on a vécu une saison terrible, alors qu’on se voyait sans doute trop beau.
On a eu peur jusqu’au bout, mais on s’en est sorti. Espérons désormais qu’on a appris de nos erreurs et qu’on réalisera un meilleur exercice !
Comment on vit ça, en tant que supporter ?
C’est particulièrement difficile. Tout d’abord parce que le modèle économique d’aujourd’hui, logique dans le marché actuel, a bouleversé nos habitudes de supporters. On est passé d’un club où joueurs et coaches restaient plusieurs années à un club passerelle, qui a pour but premier de faire des plus values à court terme. Ajoutés à cela des attentes élevées et des résultats catastrophiques, ça fait tout drôle. J’ai rarement été aussi stressé, énervé, voire désabusé en suivant le LOSC que la saison dernière.
Ça a l’air d’aller un peu mieux maintenant, vous avez fait une pré-saison intéressante, malgré cette défaite contre Leicester. Rassuré, ou on se méfie des pré-saisons réussies comme celle de l’an dernier, qui avait été suivie d’un superbe 3-0 contre Nantes, mais qui n’avait finalement été qu’un feu de paille ?
Vous avez tout dit. Tous les feux étaient au vert il y a un an. On sortait d’une bonne prépa et d’un match maîtrisé contre le Nantes de Ranieri, avant de couler petit à petit, en commençant par un match fou à Strasbourg. Les matches de préparation sont rarement annonciateurs de la saison à suivre. On va rester mesuré, tout en attendant cette nouvelle saison avec impatience !
L’an dernier, le recrutement avait été très jeune, assez exotique. Il semblerait que le projet soit un peu plus terre à terre cette année, avec les arrivées des expérimentés Fonte et Rémy, de la jeune pépite stéphanoise Bamba. Plutôt cohérent selon toi ?
Il était impossible pour le club de faire les mêmes erreurs que l’an passé. Cette fois, la direction a décidé de recruter des jeunes mais aussi des joueurs d’expérience, nécessaires quel que soit le niveau. En revanche, il y a eu beaucoup de mouvements, départs et arrivées confondus, ce qui est rarement synonyme de succès. La stabilité est primordiale pour obtenir des résultats probants.
C’est quoi les objectifs du LOSC pour cette saison, maintenant que la catastrophe a été évitée ? Top 5 toujours ou on est un peu plus patient ?
Ne pas revivre le scénario de la saison passée ! Ce sera difficile de faire pire en même temps. Le club avait annoncé le Top 5 l’année dernière, un objectif qui l’a suivi et qui lui a été reproché. On parle désormais de Top 10, qui semble plus dans nos cordes. Je nous vois bien finir entre la 7e et la 10e place.
Le nouveau logo, il est pas un peu moche ? Bon, après, c’est bien de tenter des trucs, hein.
Il n’a pas fait l’unanimité, clairement. Il dénote un peu par rapport à nos homologues en Ligue 1, il fait plus sport US, dans la droite lignée de ce que veut faire la direction, qui s’inspire de ce qui se fait outre-Atlantique (merchandising, événementiel etc.). On devrait s’y habituer rapidement, mais j’aimais bien le précédent, qui était relativement récent. En revanche, nos maillots away et third sont, comment dire, atypiques (moches).
On vous a déjà joués deux fois en première journée depuis votre remontée. Un nul et une victoire du LOSC. On pense qu’on va gagner cette fois. La raison est simple. L’an dernier, on a brisé une incapacité à gagner chez vous vieille de 52 ans. La dernière fois qu’on a stoppé une telle malédiction, c’était à Nantes en janvier 2006 après 41 ans de disette. On n’y a plus perdu depuis. Alors ? T’en dis quoi ?
J’en dis qu’on devrait continuer à vivre des rencontres toutes pourries entre nos deux clubs. Ayant vécu 6, 7 ans à Rennes, j’allais souvent au Stade voir cette « affiche », et c’était presque toujours affreux. Ça n’a pas changé depuis, même s’il est vrai que vous avez enfin réussi à nous battre - l’exploit aurait été de ne pas le faire, vu notre saison..
Quel est l’ancien Rennais ayant ensuite porté les couleurs de Lille qui t’a le plus marqué ?
Instinctivement, je te dirais Moussa Sow. Parce que doublé championnat-Coupe. Parce que meilleur buteur cette saison-la. Parce que joueur adoré des supporters (même s’il n’est pas resté longtemps). On ne l’attendait pas vraiment à ce niveau, mais il avait été exceptionnel.
Et inversement, quel Lillois ayant porté après coup la tunique rouge et noire a retenu ton attention ?
Bruno Cheyrou ! Quelle élégance balle au pied, quel talent. Et puis ça correspondait à mes années d’abonné quand je vivais encore dans le Nord au début de mon adolescence. La nostalgie joue sans doute dans ma réponse, mais j’aimais vraiment beaucoup ce joueur. Faudrait que vous me disiez quel souvenir vous avez gardé de lui d’ailleurs, ça m’intéresse !
J’aimais bien Jean II Makoun également lorsqu’il était chez nous. Il ne payait pas de mine mais avait une sacrée activité. Désormais, vous préférez les transactions avec notre meilleur ennemi lensois..
Au niveau des confrontations, y’en a une dont tu te souviens particulièrement ? Nous, on n’est pas prêts d’oublier ce soir de mai 2007 où Fauvergue s’est envolé à la 90+2 pour nous enlever la première qualification en Ligue des Champions de notre histoire. On attend toujours, du coup.
Tout pareil pour moi ! Pour la petite histoire, j’avais déjà déménagé en Bretagne à ce moment-là et je regardais le multiplex avec des potes, dont certains supporters du SRFC, ce soir-là.
Autant te dire que certains m’en ont voulu après le but de Fauvergue, et je les comprends. J’ai limite été interdit de galette saucisse dans mon club de foot après ça.
Restez optimistes, tout peut arriver, Zambo Anguissa est parti pour 40M, Romain Danze est footballeur professionnel, Julien Faubert a joué au Real..
En 2011, vous finissez champions, vous remportez la Coupe de France, vous avez la meilleure attaque de ce championnat, MAIS. Parce qu’il y a un mais. Malgré le fait que vous battiez Rennes 3-2 lors de l’ultime journée, c’est bien nous qui remportons le titre de meilleur défense, avec un but encaissé de moins que le LOSC. On ne s’était d’ailleurs pas privés de répondre à vos “On est les champions” par des “Meilleure défeeeeeeeense, meilleure défeeeeeeeense, meilleure, meilleure, meilleure défeeeeeeeense”. Pas trop dégoûté ?
Figurez-vous que j’étais au Stadium Nord pour ce merveilleux épilogue. J’admets n’avoir absolument aucun souvenir des supporters du SRFC et de leurs hypothétiques chants, mais je vais vous croire sur parole ! Toujours est-il que c’est un souvenir fantastique, et qu’il paraît bien audacieux d’imaginer un tel succès à l’avenir, étant donné le retard accumulé depuis.
Lille, c’est une destination que tu conseilles pour les vacances ? Y’a quoi à voir, à faire ?
Si on souhaite faire un séjour à base de bières, alors oui, facilement. Autrement, un week-end est parfait pour découvrir Lille, qui est un très jolie ville, jeune et qui bouge. La Grand Place, le vieux Lille, le Stade PM, il y a de quoi se faire plaisir. Il y a beaucoup moins de tunning, de fan de Johnny et de Jordan en marcel qu’on ne l’imagine (on peut en croiser si on s’enfonce dans les terres profondes de ce qu’on appelle désormais les Hauts-de-France). En tous cas, il faudra s’organiser un apéro « lillo-rennais » à l’occasion !
À quel match t’attends-tu ? Un p’tit prono ?
Un peu comme à l’accoutumée. Un match accroché entre deux clubs qui vont se chercher. Il y a sans doute un peu plus de certitudes et d’automatismes de votre côté, mais je vote pour un match nul, disons 1-1 (je suis une pipe en pronostics généralement). Quoi qu’il en soit, bon match et bonne saison à vous !
Merci Kévin, pour avoir pris le temps de répondre à nos questions !