L'après Rennes-Saint-Étienne, par Marco Grossi

L'après Rennes-Saint-Étienne, par Marco Grossi

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Trois matches en une semaine. Période capitale. Le boxing day de février. Après avoir perdu le premier round, les Rennais devaient réagir à la deuxième reprise de ce jour de boxe. Oui je sais, ça sonne merdique, mais avec la réforme orthographique, je préfère ne pas prendre de risques. Les Rouge et Noir ont-ils su redresser la barre ? Ont-ils vaincu les Stéphanois ? Poussons la porte de ce commissariat et entrons…

Debout derrière la vitre sans tain, l'inspecteur Steddlehorn touillait machinalement son café, le regard dans le vague. "Un jour, il faudra vraiment qu'on paie un stage de torréfaction à Doris, ce n'est plus possible, ce jus de chaussettes !", pesta le colosse. Le manque de sommeil ne faisait que renforcer son humeur de chien habituelle. Vingt longues heures qu'il interrogeait son suspect. Il avait tout essayé : l'amadouer, lui faire peur, le laisser mariner… Rien n'y faisait. Pour la première fois de sa longue carrière, le flic éprouvait de la lassitude. "J'en ai marre de me coltiner des têtes de con à longueur de journée, marmonna-t-il en portant le gobelet à sa bouche. Toujours la même rengaine, on dirait le…" Steddlehorn se figea. Les yeux écarquillés, il esquissa un sourire mauvais en écrabouillant son café. D'un geste brusque, l'inspecteur ouvrit la porte de la salle d'interrogatoire n°35 et abattit ses larges mains sur la table en métal. L'homme assis sur une petite chaise tressaillit. "Écoute. Toi et moi, on est fatigués, Breadywizzle. Alors il est temps que tout ça se termine, tu ne crois pas ?" Steddlehorn se redressa et s'approcha de la vieille télé à tube cathodique rangée dans un coin de la pièce. Sous le regard interrogateur de son suspect, l'inspecteur inséra un DVD dans le lecteur et alluma le poste. Alors que la sueur coulait de plus en plus abondamment sur le visage du criminel, dans un sourire carnassier, il conclut : "Dis-moi Breadywizzle, un petit Rennes – Saint-Étienne, ça te tente ?"

"Tu ferais mieux d'avouer, Breakywizzle. Le Stade Rennais n'a pas cadré un seul tir en 90 minutes" (funnyjunk.com)

 

Préambouche :

Deuxième match de cette série de trois en une semaine pour nos Rouge et Noir. Après la claque reçue au Matmut Atlantique Moltonel Kinder Surprise Stadium de Bordeaux, réveil impératif sous peine de retomber dans le ventre mou du classement et de rater le train européen. Kireg vous a présenté ce Rennes – Saint-Étienne ici : http://socialroomfc.com/article/l-avant-match-srfc-asse-par-kireg

Pour cette rencontre, Rolland Courbis revient à un schéma tactique plus conventionnel et opte pour de nombreux changements :

Costil fête sa 200e apparition avec le Stade Rennais, tandis que notre charnière centrale explose le baromètre du sex appeal avec le retour de nos chouchous Mexer et Pedro Mendes. Sylla et Fernandes sont associés à la destruction récupération. Quintero en 10, Ntep est de nouveau titularisé sur son aile, Dembélé et Boga font leur apparition pour faire la différence face aux géants Verts. Faut rigoler, on n'a plus que ça.

 

Le match :

Pas de round d'observation, Saint-Étienne met la pression d'entrée sur des Rennais fragiles sur les côtés. Monnet-Paquet est régulièrement trouvé, heureusement ses centres sont repoussés (3', 4', 5'). Les Rouge et Noir réagissent par l'intermédiaire de Sylla qui envoie une louche vers Ntep, signalé hors-jeu injustement. Les Verts poursuivent leur domination en dédoublant bien sur les ailes. Mexer, qui a appris à égorger des poulets à l'âge de 5 ans dans son Mozambique natal, ne s'en laisse pas conter et défonce la cheville de KMP à la 8'. Heureusement pour lui et pour nous, les arbitres étaient partis se chercher une Buckler au bar et ne sifflent rien. Miraculeusement, l'ailier stéphanois s'en sort indemne. Malgré un éclair de Quintero avant le quart d'heure de jeu, dont l'ouverture ne trouve pas Ntep, devancé par le chef d'escadron Ruffier, c'est très pauvre côté breton. Manque d'agressivité dans les duels, grosses erreurs techniques, aucune projection des attaquants car l'équipe est coupée en deux… Les deux lignes de quatre stéphanois se régalent. Nous aussi, si tant est que l'on compte des scarabées bousiers dans les rangs des supporters.

 

"Quel bon match, John ! Oui, on s'éclate, Brian !" (radio-canada.ca)

Par la grâce de Frei Dieu, nos adversaires se sont mis au niveau et salopent consciencieusement chacun des quarante-cinq coup-francs obtenus. À la 21', Monnet-Paquet, encore lui, fait passer un petit frisson le long de nos SIF (maintenant vous savez), avec une frappe sans danger pour Costil. Les Bretons tentent de réagir, mais ils jouent à l'envers, à l'image de cette passe en profondeur de Ntep pour Dembélé, qui revenait de son appel (23'). Sans s'affoler, les Foréziens développent leur jeu mais ne font qu'enchaîner les corners, dont le dernier est joué intelligemment : Lemoine est trouvé, seul, à l'entrée de la surface. La volée de l'ancien Rennais passe à côté. Ntep, plus en jambes que face à Bordeaux, est malgré tout dans un mauvais jour : l'ailier s'entête à vouloir faire la différence seul, mais Théophile-Catherine le serre de près. Après la demi-heure de jeu, le niveau global de la rencontre faiblit atrocement. Il suffirait d'aller pisser pour penser que les 22 acteurs ont été remplacés par le cirque Pinder tellement les erreurs techniques s'enchainent. Signe qui ne trompe pas : Même les commentateurs de Canal + Sport, habitués aux purges de la Premier League, commencent à chambrer. Il n'y a que le RCK, encore remarquable hier, qui nous sort de notre torpeur à la désormais traditionnelle 35'. Symboles cruels de notre non-match : sur une touche près du rond central, Danzé est obligé de s'y prendre à trois fois pour trouver un partenaire, tandis que Quintero redescend entre Gelson et Sylla pour espérer toucher des ballons. Pendant ce temps, KTC (43') et Bahebeck (45'+1) essaient d'abattre le petit Goulven en tribunes Rennes, sans succès.

 

Mi-temps. Match d'une pauvreté exceptionnelle, bronca au Roazhon Park. Galtier et ses mitaines de cambrioleur annoncent le casse à venir. Encore une fois, Courbis réagit vite et sort Ntep pour André. L'équipe évoluera en 4-4-2 losange, avec Dembélé et Boga en pointe.

 

Christophe Galtier sentant la victoire proche, empêche Jonathan Brison de faire une connerie (toutlecine.challenges.fr)

 

Coup d'envoi de la deuxième période, on repart sur les mêmes bases. ENCORE un centre de KTC, ENCORE repoussé par Mendes. Grosse fatigue. L'animation du match nous est proposée par le kop rennais qui déploie une banderole de protestation quant au fichage électronique des supporters prévu dans le projet de loi Larrivé. Stéphane Guy en fait mention à l'antenne… pour expliquer que si on en est arrivés là, c'est parce qu'il y a eu des morts autour des stades. On vient d'identifier la dernière victime des essais cliniques BioTrial.

Dans le même temps, la litanie des centres stéphanois continue, encore et encore.

"Le petit Cheikh M'Bengue est attendu par les supporters rennais sur son côté gauche, je répète…" (culturepub.fr)

 

Et là, miracle : UN MOUVEMENT EN ÉQUIPE. SI. LÀ (non, pas Sylla), DEVANT NOS YEUX. Dembélé est trouvé à l'angle droit de la surface, se débarrasse de son adversaire d'un petit sombrero avant de décaler André dans l'axe. Le milieu rennais transmet en une touche à Boga - dois-je finir cette phrase ? Je préférerais rester le doigt coincé dans une porte pendant 15 minutes, mais soit – qui rend enfin sa liberté au ballon, loin, là-haut dans le ciel. Toutes nos pensées à la famille.

La réaction de l'ASSE ne se fait pas attendre, par l'intermédiaire de Bahebeck, qui envoie une frappe sèche sur Costil, qui repousse des poings (58'). Le match vire au n'importe quoi, lorsque sur un corner à suivre, Florentino Pogbão envoie un ciseau à droite des buts de notre Benoît. Les rouge et Noir ont beau avoir à la mène le plus bel esthète de la Ligue 1 depuis Juju Féret et Micka Pagis, ils persistent à envoyer des ogives vers Boga et Dembélé. Comme chacun le sait, le point fort de nos deux attaquants étant le jeu physique en fixation, surtout avec Sall et Pogba sur le dos, cette tactique est une franche réussite. Conscient que 75 % du public ne savait pas qu'il était sur le terrain, Courbis sort Boga et lance Kamil "Supersub" Grosicki. Le SRFC repasse en 4-3-3. Le cercle des poètes disparus entre en piste, avec un gros tacle de Sall sur André (70'), suivi de la réponse du berger à la bergère de Mexer sur Lemoine (72'). Notre Mozambicain semble décidément bien nerveux. Le coup franc excentré est joué par le capitaine de bataillon Cohade. Son centre parfaitement envoyé est repris en force par Sall, qui marque de la tête. Blbrblgfzslfglgesfl (j'ai rembobiné la cassette, mon magnéto est fatigué des matches du Stade, un peu d'indulgence). Analysons l'action du point de vue défensif : coup franc potentiellement dangereux, avec des adversaires potentiellement dangereux eux-aussi (Sall, PAR EXEMPLE). Réponse ? Ben on n'a qu'à jouer la zone, Jeannot ! Et faire en sorte que Sall se retrouve dans le dos de Danzé, par-dessus le marché ! Comme ça, Mendes, Mexer et tout le centre de formation pourront regarder le défenseur adverse planter son but sans être emmerdé ! Rennes 0 – 1 Saint-Étienne.

Courbis se dit qu'il faut vite réagir et marquer au moins un but. Il regarde son banc, se dit que c'est fichu, et fait donc rentrer Sio à la place de Sylla. L'équipe change pour la troisième fois de schéma tactique, avec un 4-2-3-1 en forme de suppositoire dans nos anus en fleur.

Quintero, qui jusque-là résistait à la médiocrité de ses collègues, craque lui aussi et balance coup sur coup un corner puis le centre qui suit dans le buffet de son adversaire direct. Dembélé est le seul à ne pas lâcher mentalement. L'ailier rennais adresse un amour de passe en profondeur, qui troue deux lignes adverses, vers M'Bengue. Le latéral réussit son premier centre depuis la chute du Mur de Berlin, à destination de Sio. Tu te demandes vraiment comment ça s'est terminé ? A/ Tu ne connais pas le Stade Rennais. Dans ce cas, je ne peux rien pour toi. B/ Tu es maso. Je te laisse te référer à l'occasion précédente de Boga.

Malgré tout, les Rouge et Noir se procurent une nouvelle occasion par Grosicki, mais son tir est contré par le gros popotin de Pogba (80'). Le reste du match ne donnera rien. Comme la carrière de Cyril Cinélu.

 

Les Rouge et Noir :

Le gardien : Costil n'a pas eu grand-chose à faire, mais il l'a bien fait. Il ne peut rien sur le but.

La défense : Le retour de Mendes a fait beaucoup de bien. Pedro a dégagé plusieurs ballons chauds et a rassuré, compensant la nervosité extrême de Mexer. Celui-ci aurait d'ailleurs dû être expulsé en début de match. Côté latéraux, Danzé a été plutôt tranquille, mais n'a pas pesé offensivement. Au marquage de Sall sur le but, il paie le mauvais choix stratégique du marquage en zone. Côté M'bengue, je ne vais pas non plus me répéter à tous les matches.

Le milieu : Ca y est, tout le monde a compris que l'association Gelson-Sylla serait plus efficace pour anéantir une invasion barbare que pour jouer au foot ? Quintero, placé plus bas qu'au match précédent, a dû redescendre encore pour pouvoir toucher le ballon, quand il n'était pas carrément snobé. Il y a eu du mieux avec l'entrée de Benjamin André. Un peu de mieux. Un tout petit peu. De moins pire.

L'attaque : Gelson les a un peu chargés en interview d'après-match, non sans raison. Boga, hormis une occasion vendangée, a été globalement transparent. Il n'a pas été aidé par le manque de créativité de ses milieux certes, mais il n'a rien proposé. Ntep était plus en jambes, mais il n'est pas encore à son meilleur niveau et lorsqu'il s'entête à vouloir tout faire tout seul (dribbler, passer, marquer, éradiquer la faim dans le monde), il est très énervant. Grosicki a apporté un peu de fraîcheur, sans plus. Dembélé confirme son potentiel énorme et a été le Rennais le plus dangereux. L'entrée de Sio, à part nous faire nous scarifier un peu plus avec cette occasion manquée, n'a rien changé.

Tout est sous contrôle

 

Vestibule :

Si le score est moins sévère que contre Bordeaux, la défaite n'en reste pas moins méritée pour les Rouge et Noir. Elle est même plus inquiétante : le contenu de leur prestation a été d'une pauvreté extrême. Grosses faiblesses techniques, aucun liant, aucune solution proposée devant, un couloir gauche ouvert aux quatre vents et pire, un manque d'envie. Ou plutôt, un match lâché mentalement. Alerte rouge.

Encore une fois, il est trop prématuré de juger l'impact de Courbis sur l'équipe, mais force est de constater que son arrivée n'a donné aucun coup de fouet, les joueurs semblent même démobilisés. Alarmant, alors que le championnat est plus serré que jamais : avec cette défaite, le Stade Rennais point à la 9e place, à huit points des 2e et… 17e places. Le déplacement à Lille ce dimanche sera des plus périlleux, sexuellement comme footballistiquement.

 

Marco Grossi