Hum… Retour de l’enfant… Lorient…
Les p’tits amis, j’ai eu une révélation. Une épiphanie. Laissez-moi vous raconter tout ça :
Ah l’Orient…
Son sable chaud, ses thés parfumés, ses yeux noirs soulignés de khôl. Si l’on se berce facilement des mirages ocre et des volutes infinies qui font onduler les palmeraies, on se laisse malheureusement abuser par l’empilement de siècles ayant travesti l’acte fondateur de notre civilisation chrétienne.
Le supporteur de football – et c’est bien connu – est un être avide de bière et de vérité. Aussi, laissez-moi vous conter l’Histoire, la vraie, telle qu’elle s’est réellement déroulée, quelque part aux confins de la Mer Morte.
En l’an zéro tout rond, dans une étable perdue au milieu du désert, une vierge toute ronde elle aussi commence à sérieusement regretter d’avoir dit non à la péridurale que lui proposait gentiment son charpentier de mari ; à savoir, un bon coup de caillasse dans la guibolle pour faire diversion à la douleur cisaillant ses reins.
Bon an mal an, au terme d’une nuit d’efforts répétés, dans la torpeur poussiéreuse et sous les effluves moites de la paille souillée, naîtra un petit « Joseph Junior », rapidement rebaptisé « Jésus » par une mère exténuée menaçant de prolonger de façon indéterminée son statut de Vierge en cas de discussion autour du choix du prénom.
Si l’arrivée du petit fut une réelle délivrance, c’est dans une ambiance somme toute chaotique, émaillée des habituelles crises de couples en manque de sommeil (et des moins habituels bêlements de moutons et pets d’âne à moitié crevé) que, par un beau matin de janvier, trois longues silhouettes se découpèrent sur le rose dansant d’un ciel éternel.
Les Rois Mages.
Du côté des nouveaux parents (privés d’alloc’ pour une sombre histoire de justificatif de domicile) la venue de trois pelés chargés de victuailles – tout cradingues soient-ils – fut accueillie comme une bénédiction. Melchior offrit un seau d’or (une chance qu’il ne se fût pas appelé Yanis), Gaspard huit kilos d’encens qui firent concurrence immédiate aux émanations équines, et Balthazar, le grand Noir aux traits fins et à l’étoffe rouge, une barrette de myrrhe, sorte de résine de plante locale (du chichon, quoi).
Autant vous dire que la journée fut sympathoche du côté de Bethléem.
Le soir venu, seul Balthazar semblait soucieux. L’homme demeurait imperméable aux narcotiques et aux vannes inspirées de ses deux camarades, lointains ancêtres de Sylvain Mirouf. Son œil restait inexorablement vide quand Joseph lui expliquait par le menu l’avantage d’un faîtage en tuile : « et qu’on ne vienne pas les lui briser avec la technique de ces margoulins de Bayt Sahur ! ».
En réalité, Balthazar était rongé par sa faute.
Ce qu’il n’avait avoué à personne, c’était que son pouvoir de Mage à lui, à savoir la guérison des engelures par application d’un baume (laisser poser une dizaine de jours), ne faisait que très moyennement recette sur les marchés aux bestiaux des alentours. Le pauvre bougre était tout simplement ruiné. Contraint par sa destinée, le Roi déchu s’était donc vu dans l’obligation de voler sa myrrhe sur l’étal d’un marchand distrait.
Incapable de porter son fardeau plus longtemps, le Mage consigna son pêché sur un vieux grimoire à la reliure de cuir :
« Moi, Balthazar,
Roi des Arabes,
Ordonnateur par-delà les chaînes mongoliques,
Maître des confins de la Perse,
Confesse ma faute :
J’ai chouravé sa myrrhe à un pégu qu’avait plus qu’un œil parce que j’étais grave à la dèche.
La vérité, j’avais pas d’autre solution. On va pas non plus rester là-dessus 107 ans.
En vous remerciant.
B. »
Le grimoire voyagea par-delà les mers. Il traversa les montagnes. Échappa aux pillages. Et, à la mort de son propriétaire, tomba finalement dans l’oubli.
L’oubli…
L’Histoire aurait pu s’arrêter là si, par un incroyable hasard, un jeune Rennais en excursion touristique au Caire n’était tombé sur le texte en cherchant un coin peinard pour pisser.
Le reste alla très vite, et par le jeu d’une traduction approximative de caractères arabes et araméens, fut fondé en 1871 « l’Ordre Rouge et Noir » qui deviendrait en 1901 le « Stade Rennais Football Club ».
Le club, c’était dit, obéirait à quatre piliers :
– Du Rouge et du Noir comme l’étoffe et la peau de notre Roi
– Le nom de « Reine », puis de « Rennes » pour marquer notre allégeance
– Des galettes de Sarrasin pour célébrer son culte musulman
– Et puis surtout, surtout, des attaquants qui, eux-aussi, oublient de régler la mire comme un rappel à l’origine de tout.
Voilà. Vous connaissez désormais la vérité.
Maintenant, si vous n’aimez pas le Stade Rennais, c’est que vous n’êtes que d’affreux païens.
Love.
K.