Préambouche :
*Brrrzzzz…. Brrrzzzz…* "Trha, qui me dérange encore ?" Absorbé par le combat féroce qui oppose mon Reptincel à Racaillou sauvage, j'attrape machinalement mon téléphone sans lever les yeux de mon ordinateur.
[Yo Marco, anniv ce soir à la Grosse Caisse. Viens.]
Réflexe pavlovien, je me redresse immédiatement, sans voir que ce putain de Racaillou m'a défoncé avec son Tomberoche de merde. Comment refuser de passer la soirée avec les copains à boire de la mauvaise bière dans un bar bondé avec de la musique trop forte ?
[Évidemment j'en suis, mais mollo, y a Lille-Rennes à 14h demain.]
Je ferme mon ordinateur d'un coup sec, je fonce prendre une douche, je mange rapidos une grosse assiette de pâtes, je m'habille (ou plutôt dans l'ordre inverse, bande de pervers) et je file prendre le métro.
Arrivé au bar, je vois que je ne suis pas le premier arrivé, la girafe de bière est déjà au milieu de la table. À peine fini de saluer que j'ai déjà un godet. De toute façon ce soir, pas d'alcool fort, que de la bière. Stay strong. On peut très bien s'amuser sans alcool fort non ?
♪♫♪♫ "Ah qu'est-ce qu'on est serrés…"
"Et tu chantes, chantes, ce refrain qui te plaît…" ♪♫♪♫
♪♫♪♫ "Gaaaaaleeeeeette-saucisse je t'aimeuuuuuh…"
…
"D'accord, un dernier verre mais après je rentre !"
*Brrrzzzz…. Brrrzzzz…* "Encore ce putain de téléphone", me dis-je, le cerveau embrumé. J'ouvre difficilement un œil, puis l'autre. Le rayon de soleil qui filtre à travers les volets me défonce les mirettes et je me mets à chialer alors que j'ai déjà du mal à me rappeler de mon prénom. J'attrape mon téléphone, et je distingue l'heure : 13h55. "Putain le match !" Je saute de mon lit d'un coup, me prends les pieds dans mon jean et mes pompes et manque de me casser la gueule. Je me rattrape à l'armoire, enfile un jogging, un t-shirt et me traîne jusqu'au salon. Le temps de brancher tout le bordel informatique et de me sortir un bol de Smacks, je suis fin prêt au moment où Danzé serre la main de Benoît Cheyrou pour le toss. "Benoît Cheyrou ? Putain je suis à la masse sur les transferts, faut que je me mette à jour." J'attrape un comprimé de Doliprane dans l'espoir éteint de faire cesser le bagad qui joue dans mon crâne depuis mon réveil.
Je vire tout ce qui traîne sur la table, je m'affale dans le canapé, je relève ma capuche et me concentre tant bien que mal sur le match.
"Il s'est couché à 4h ? Joue plus fort, Bernard !"
Le match :
Sans surprise, les Lillois mettent la pression d'entrée sur les Rennais. Ils confisquent le ballon et dédoublent sur les ailes. Heureusement notre défense centrale veille et écarte le danger pour le moment. Le milieu breton a beaucoup de mal à s'organiser. Il faut dire que Courbis n'aide pas, en modifiant son schéma à chaque match, et que ce 4-3-3 avec Quintero et Gourcuff côte à côte demande de la rigueur. "Gourcuff…?, marmonné-je dans ma barbe. Je croyais qu'il était encore blessé lui…" À force de faire danser la samba à notre côté gauche, les Lillois obtiennent un corner. Bien botté, celui-ci est hors de portée de Costil, alors qu'un défenseur central nordiste envoie une tête surpuissante qui fracasse la transversale (15'). Le réalisateur fait un gros plan sur le malheureux. La nausée m'étreint : certes, j'ai bu quelques verres hier, mais quand même. "JOHNNY ECKER ?! MAIS QU'EST-CE QU'IL FOUT LÀ LUI ??" Je me frotte les yeux, mais le match se poursuit et je ne distingue plus les joueurs. Je me sers un verre de Coca, foutue gueule de bois. Pendant ce temps, les Rouge et Noir tentent de réagir. Une-deux entre Gourcuff et Quintero. "Yo" poursuit son effort et lance Ntep à la limite du hors-jeu. L'ailier, un peu décentré se présente face au gardien mais ouvre trop son pied et manque le cadre (22'). Les débats s'équilibrent, nos joueurs empêchent les Dogues de prendre la profondeur et évitent les erreurs techniques comme lors des matches précédents.
Soudain, la délivrance. Sur une longue ouverture d'Armand, Quintero est trouvé et remet en une touche pour Danzé, parti dans son couloir droit. Le défenseur breton adresse un centre magnifique que Gourcuff coupe d'une reprise limpide (29'). "OUAAAAAAAAAIS !!!!!!" Je hurle dans mon salon et renverse mon assiette de pâtes froides. Rien à foutre, les images de joie de Yoann me font oublier le reste (no homo) et sa gavotte avec Didot me met en joie. Lille 0 – 1 Rennes.
Le bonheur, allégorie (mercato.eurosport.fr)
Je commence à sérieusement baliser. J'adore Étienne, mais qu'est-ce qu'il fout là ? Je prends mon téléphone à la recherche d'indices sur la fin de ma soirée. Rien de significatif dans mes textos…
[Purée, t'en tenais encore une bonne hier mon salaud ! Heureusement que tu devais y aller mollo hein ! :D]
Ah, peut-être des photos ? Ah ouais non ok, les fesses de mes potes ne m'apprendront rien que je ne sais déjà. Les appels ? Taxi, ex, Apéro minute… Mouais.
La clameur des supporters me tire de mes pensées et je me concentre à nouveau sur le match : pénalty pour le LOSC (37') ! Je n'ai rien vu mais je gueule sur l'arbitre pour le principe. Djézon Boutoille s'élance et malgré un beau plongeon de Lama, trouve le petit filet rennais. Lille 1 – 1 Rennes. Des gouttes de sueur froide me coulent le long du dos. "C'est quoi ce bordel putain… On est en 2001 ou quoi ?" Gros plan sur Costil, dépité, qui renvoie la gonfle vers le rond central. Mon palpitant se calme un peu.
Mi-temps. Histoire de me détendre, j'appelle Domino's et commande une bonne grosse pizza réconfortante. Après être allé pisser quelque chose qui ressemblait plus à du whisky pur qu'à de l'urine, je m'allonge cinq minutes sur mon lit. Vingt minutes plus tard, le livreur me réveille en frappant à la porte. Je me lève en titubant, sors quelques euros et ouvre la porte. J'attrape la pizza, lui tends vingt euros. "Gardez la monnaie". "Merci, M. Grossi". Je lève la tête d'un coup, mais le livreur est déjà en train de dévaler les escaliers. "Je connais cette voix !" Je me précipite à la fenêtre et me penche pour essayer d'apercevoir mon mystérieux individu. Arrivé dans la cour, celui-ci jette un bref coup d'œil dans ma direction. Les bras de Pierre Ménès m'en tombent. "P…Pierre Dréossi ?!" murmuré-je, abasourdi. À peine le temps de dire quelque chose, il avait filé. La nausée m'envahit à nouveau, je cours vers les toilettes et redistribue la totalité de mes repas précédents à la cuvette. Je me sens mieux en l'espace d'une seconde. Je me passe de l'eau fraîche sur le visage, dans un rituel purificateur. "Ca va aller… Ca va aller…" Apaisé, je reviens dans le salon. Mon sourire est de courte de durée : Le LOSC a pris l'avantage, les Rouge et Noir sont menés 2-1. Fidèle à ses habitudes rennaises, Courbis a réagi vite, puisque j'aperçois Quintero sur le banc, emmitouflé dans sa doudoune. "Pitié, pas Sio…"
La part de pizza que j'avais saisie me tombe des mains et s'étale, côté garniture évidemment, sur le sol. Après une relance rapide côté droit, Didot alerte l'un de ses attaquants. Contrôle orienté pied gauche, frappe pure du pied droit en demi-volée dans la lucarne lilloise. Mickaël Pagis égalise (69'). Lille 2 – 2 Rennes. Je suis à deux doigts de la syncope, pris de panique devant cette journée qui m'échappe totalement, et en liesse avec ce but digne des grandes heures de notre Pagistral. Celui-ci est chaleureusement félicité par Alex Frei. "Eh ben tant qu'à faire hein…" J'ai arrêté d'essayer de comprendre.
"N'oubliez pas les sauces piquantes !" (sport.gentside.com)
On frappe de nouveau à la porte. Je regarde par le Judas et aperçoit ma voisine moche du dessus. Qu'est-ce qu'elle a oublié cette fois ? Du sel, du lait ? Quelle reloue… J'ouvre la porte, déjà saoulé. "Escouzez-moi, est-ce qué vous auriez Canal Plousse ? Ma connexionne né marche plous et yé voudrais régarder la fin dou match dé Rennes…" "Agaga… Aga…" Je n'ai pas le temps de répondre que ma voisine s'installe dans le canapé et m'invite à la rejoindre.
"Sa… Salma…? Je ne savais pas que vous… Tu… Enfin que tu habitais là… Ca fait longtemps ?", bredouillé-je en pensant à un pigeon mort pour me calmer. "Tais-toi donc et viens t'asseoir, yé n'entends rien", me dit-elle. Tendu comme une arbalète, je prends place dans mon canapé plus concentré sur ce décolleté qui ferait bander Magloire que sur le match. J'essaie autant que possible de porter mon attention sur les montées de balles rageuses de Mensah, mais PUTAIN SA MAIN EST SUR MA CUISSE BORDEL DE MERDE. LA. MAIN. DE. SALMA.
Alors que je tente discrètement de sentir ma propre haleine et de me demander ce qui va bien pouvoir m'arriver quand le match sera fini, l'impensable se produit. Non, elle n'essaie pas de m'embrasser. Pire. Elle ne disparaît pas. Encore pire.
Fauvergue. Nicolas Fauvergue. NEMESIS.
90'+3. Dans un remake apocalyptique de la 38e journée saison 2006-2007, l'attaquant à qui les douanes refuseraient le passage au péage de La Gravelle crucifie le Stade Rennais en logeant le ballon dans la lucarne de Pouplin. Lille 3 – 2 Rennes. Salma me broie la cuisse, tandis que je hurle comme un fou : "Mais pourquoi c'est lui dans les buts aussi nom de Dieu ? Pourquoi pas Chaigneau tant que vous y êtes ??" Enragé, je n'aperçois même pas ma sublime invitée qui enlève son petit gilet au moment du coup de sifflet final de l'arbitre.
"Cé n'est pas grave mon chou, me susurre la divine Mexicaine. Viens donc là, oublions cetté mésaventoure…" Son visage se rapprochant dangereusement du mien, je ferme les yeux, apeuré et excité. "Oh ouais…"
*Brrrzzzz…. Brrrzzzz…*
…
*Brrrzzzz…. Brrrzzzz…*
…
"Hein, que… Quoi…?"Le visage collé à mon oreiller par un filet de bave, je parviens à me saisir de mon téléphone en ouvrant un œil. "Alerte Sofascore : Lille 1 – 1 Rennes". "Mais qu'est-ce que…" Je me retourne vers mon réveil : 16h12.
"Ah ouais ok. Encore un dimanche de merde."
Les Blanc et Noir :
Je ne prétendrai pas attribuer de notes à des joueurs que je n'ai pas vus évoluer. J'adresserai cependant un "big up si si la mifa" à notre Ousmane Dembélé d'amour. Le gamin a encore sauvé les meubles en transformant un pénalty avec un sang-froid qui force l'admiration. Autant j'ai pu le défoncer au moment de son clash avec les dirigeants rennais l'été dernier, autant depuis, il m'impressionne. Discret sur et en dehors du terrain, efficace et bosseur en match, "Dembouz" a le potentiel pour être un très grand joueur. Espérons qu'il fera les bons choix dans les années à venir.
Le talent récompense le talent (footmercato.net)
Vestibule :
Le Stade Rennais termine cette semaine à trois matches avec un seul point pris, ce qui est très insuffisant, surtout face à des concurrents directs à l'Europe (du moins Bordeaux et Saint-Étienne). Résultat : une triste 9e place, à 4 points des 3e et 12e rangs. Autant dire qu'une victoire contre Angers vendredi nous ferait le plus grand bien.
Marco Grossi