Benjamin Pavard
Nous sommes en 2008 lorsque Marc Luciathe, recruteur du Stade Rennais affecté dans la région Hauts-de-France (Nord-Pas-de-Calais jadis), repère le jeune Benjamin Pavard. En seulement 48h, il organise une rencontre entre Frédéric de St-Sernin et la petite pépite de Jeumont, en expliquant bien au président rennais de l'époque que le garçon qu'il a devant les yeux "deviendra une star, jouera un jour en Équipe de France. Il a juste besoin qu'on l'accompagne" (sic). Saint-Sernin n'hésite pas une seconde, écoute aveuglément son recruteur et signe le chèque qui fera la différence et permettra au club Brétillien (ce mot n'existait pas jadis) de souffler Pavard au nez et à la barbe du LOSC.
Benjamin Pavard observe une progression satisfaisante pendant sa formation, et assiste avec désarroi aux mésaventures des pros. À l'été 2012, alors que Danzé répond favorablement aux avances de Saint-Étienne, Benjamin Pavard est propulsé avec les A, à seulement seize ans. Après quelques années de concurrence assez faible (Steven Moreira, etc.), Benjamin partage désormais son couloir droit avec Djibril Sidibé, lui aussi recruté à Lille. Qui sera aligné face à son club formateur samedi ? Suspense.
Olivier Giroud
Nous sommes en 2009, et Olivier Giroud cartonne à Tours, à seulement 22 ans. Le jeune attaquant chambérien inscrit 9 buts en 23 matches pour sa toute première saison de Ligue 2. De quoi attirer l'oeil des recruteurs rennais, qui cherchent à pallier d'éventuels départs de Jimmy Briand, parti au clash avec le club moins d'un an plus tôt, de Daniel Moreira, en disgrâce, et de Damien Le Tallec pour lequel le Borussia Dortmund est en train de faire le forcing. La concurrence est rude, mais le Stade Rennais finit par devancer le Celtic Glasgow dans la dernière ligne droite.
Giroud est tout d'abord barré par Asamoah Gyan, mais parvient finalement à se faire une place lors de la saison 2011/2012, où il marquera notamment le but rennais lors de la réception de l'Atlético Madrid. Après avoir réalisé une saison 2013/2014 de haute facture, où il inscrira un but contre Nantes au match aller (perdu 1-3) et au match retour (en compagnie de Griezmann et Konradsen), Giroud perd légèrement la confiance des supporters pour les saisons qui suivent. Sa saison 2017/2018 lui permettra néanmoins de valider sans souci son billet pour la Coupe du Monde, avec notamment ce but extraordinaire au Parc des Princes où Giroud prend de vitesse Presnel Kimpembe avant de lober le portier parisien.
N'Golo Kanté
N'Golo Kanté use ses crampons sur les terrains de Suresnes en 2010, où ses performances éblouissent ses jeunes coéquipiers. Oui mais voilà, son profil, et surtout sa petite taille, sont des freins pour les gros centres de formation. Après avoir discuté avec son entraîneur Piotr Wojtyna, Patrick Rampillon tire une conclusion quasi-définitive, "on a déjà une dizaine de joueurs comme lui au centre". C'est le moment que choisit N'Golo pour happer le directeur du centre de formation rennais avant son retour et lui tendre un DVD gravé, sans aucune indication. Dans le TGV, qui à l'époque mettait plus de deux heures à rallier la capitale bretonne, Rampillon regarde par curiosité le contenu du disque. Un fichier, "moi.mp4". On y voir alors N'Golo Kanté à son aise sur une multitude de terrains, baladant joueur sur joueur. La presse révèlera plus tard que Kanté avait retrouvé des vidéos amateurs du parcours junior de Lionel Messi sur Youtube pour y rajouter grossièrement sa tête à la place de celle du prodige argentin. Il est petit, il est gentil, il a photoshoppé Leo Messi, mais on sait tous que c'est un tricheur, N'Golo Kanté. Qu'importe, ce dernier move fait son effet, et Kanté porte la tunique rouge et noire avec la réserve en 2011/2012.
Ce n'est qu'un an et demi plus tard, après les frasques extra-sportives de M'Vila qui le conduiront jusqu'en Russie, que N'Golo Kanté débute avec les pros. Après le départ de Frédéric Antonetti à la fin de la saison, Philippe Montanier tentera de l'aligner sur l'aile, Rolland Courbis en pointe, et Christian Gourcuff ne lui trouvera pas de place dans son 4-4-2. Il faudra attendre l'arrivée de Sabri Lamouchi pour que le joueur retrouve son véritable poste, mais cela valait le coup. 9 mois plus tard, il y a l'Europa League et deux étoiles sur le maillot.
Ousmane Dembélé
Ousmane Dembélé arrive lui aussi au cours de l'année 2010, en provenance d'Évreux. Il est alors âgé de treize ans lorsque Rennes l'arrache des griffes des Normands du Stade Malherbe de Caen et du Havre AC, également sur le coup. Il surclassera d'année en année sa catégorie junior, pour finir par réaliser une saison 2014/2015 extraordinaire avec la réserve, emmenant même le Stade Rennais jusqu'en demi-finale de Gambardella. Lors de l'été 2015, Rennes tarde quelque peu à lui offrir un contrat professionnel, ce qui n'échappe ni au Red Bull Salzbourg, ni au Winchester FC, qui foncent tête baissée sur le dossier. Philippe Montanier, persuadé depuis le départ que Dembouz sera une pièce maîtresse de son système de jeu, somme René Ruello de réagir. Ce dernier, après une discussion aussi brève qu'efficace avec les représentants et le joueur, réalise un coup de maître, et offre un contrat de cinq ans à Ousmane Dembélé, assorti d'une clause libératoire (réclamée par son agent Badou Sambagué) à 500 M€.
Les débuts de Dembélé en Ligue 1 ne tardent pas, et le joueur s'illustre dès son deuxième match en marquant contre Bordeaux. Son point culminant de la saison sera incontestablement son triplé dans le derby contre Nantes. Performance qu'il réitèrera quatre fois par la suite, toujours contre Nantes. Dès la reprise à l'automne 2016, Didier Deschamps lui offre sa première sélection. Il ne quittera plus le groupe France. Jusqu'à ce coup dur. Sa participation à la Coupe du Monde 2018 est malheureusement compromise lorsqu'en septembre 2017, l'ancien Rennais Kévin Théophile-Catherine le blesse gravement d'un tacle immonde par derrière sans recevoir la moindre sanction. Ousmane est indisponible pendant trois mois, mais effectue un retour colossal au mois de janvier, ce qui dissipera tous les doutes du sélectionneur de l'Équipe de France. La suite, on la connaît.
Raphaël Varane
Le RC Lens révèle Raphaël Varane aux yeux du grand public lors de l'exercice 2010/2011. Le défenseur de 17 ans époustoufle tout son monde, et est bien le seul dans cette morne équipe qui traînera sa faible ossature tout au long de la saison. Dès le mois de février, déjà de grosses écuries comme Manchester United ou Arsenal commencent à lui tourner autour. Rennes n'est pas en reste et cherche à renforcer son effectif en vue de sa probable première participation à la Ligue des Champions la saison suivante. En effet, en février 2011, Rennes est deuxième du championnat de France, à égalité de points avec le leader lillois qui finira par le remporter, et on ne voit pas trop ce qui peut lui arriver. L'intersaison arrive, et le RC Lens finit par être relégué en Ligue 2. Rennes ne grattera que l'Europa League, mais c'est un tout autre argument qui convaincra le jeune défenseur sang et or, et qui n'est dû à rien d'autre que la finesse stratégique du président Patrick Le Lay, qui avait avancé ses pions lors du mercato hivernal précédent. Varane le confirmera dès ses premiers mots en conférence de presse : "Je n'ai pas supporté ma séparation avec Razak Boukari. Le retrouver aujourd'hui emplit mon coeur de joie".
Après une première saison marquée d'une campagne européenne aussi convaincante que frustrante, où il aura notamment tenu Falcao en laisse et permis à Georges Mandjeck de se sublimer à ses côtés, Raphaël Varane tient la défense rennaise d'une main de fer. Il n'est pas étranger aux excellents parcours en coupes nationales du Stade Rennais (deux demies et deux finales), et sa maturité sur le terrain lui vaudra même d'être très vite sélectionné dans le groupe France, et de participer à seulement 20 ans à la Coupe du Monde 2014. Ce malgré son étonnant craquage nerveux quelques jours plus tôt, où il hèle un groupe de supporters, se fendant d'un "Kop Rouge !" au lendemain de la défaite au Stade de France contre Guingamp. Cet incident vite oublié, il agit en grand frère et permet l'éclosion des jeunes défenseurs du club tels que Joris Gnagnon et Jérémy Gélin. C'est également lui qui paiera la clause libératoire de Ludovic Baal, puis de Benjamin Bourigeaud, ne pouvant supporter, même sept ans après, l'absence de Lensois au sein de son équipe.
Kylian Mbappé
Le Stade Rennais enrôle en 2013 celui dont toute la planète parle en ce moment, Kylian Mbappé. Enfin officiellement, puisque le feu follet de la dernière Coupe du Monde est fou amoureux des Rouge et Noir depuis qu'il a six ans. Depuis que son demi-frère, Jirès Kembo-Ekoko, a commencé à y évoluer. Kylian enchaîne les stages, les entraînements, les nuits au centre de formation, il respire Stade Rennais, mange Stade Rennais, rêve Stade Rennais, pour suivre l'exemple du plus grand de la famille. Il enchaîne même les tournois en région parisienne avec la tunique rouge. C'est donc tout naturellement, lorsque le moment vient de choisir un centre de formation, que sa décision penche du côté de la capitale bretonne. Monaco tentera bien d'amadouer les parents avec quelques chèques, mais rien n'y fait, c'est le choix du coeur, ce sera le blason aux deux hermines.
Et on peut dire que les débuts en pro de Mbappé seront tonitruants. Il effectue son premier match fin 2015, soit à peu près en même temps que son pote de toujours, Ousmane Dembélé. Il se démarque en Coupe de France lors d'une victoire 7-0 contre Monaco, qui avait essayé de le chiper cinq ans plus tôt, en inscrivant un triplé à seulement 18 ans. Christian Gourcuff s'en félicitera d'ailleurs après le match : "Il est primordial, et je suis suffisamment expérimenté pour le savoir, de lancer les jeunes joueurs dans les meilleures conditions possibles. C'est pourquoi aujourd'hui, Kylian a joué au sein d'une ossature qui a de la bouteille. Des joueurs qui travaillent dur, pas qui passent leur temps sur les réseaux sociaux. Et on voit tout de suite le résultat".
La pépite rennaise ne s'arrête évidemment pas en si bon chemin. À la fin de l'exercice 2016/2017, il a déjà inscrit 27 buts, de quoi attiser les convoitises des plus grands de ce pays, et en premier lieu du Paris St-Germain. Mais Ruello étant un expert en matière de conservation des jeunes issus du formation, la proposition d'un prêt assorti d'une option d'achat de 180 M€ est instantanément refusée. Aujourd'hui, Mbappé a inscrit 48 buts avec Rennes. On lui souhate évidemment de fêter le 50e au stade Pierre Mauroy.
Antoine Griezmann
À l'été 2013, le Stade Rennais tourne définitivement la page Antonetti, après une dernière saison usante, qui aura une nouvelle fois vu l'équipe dégringoler au classement, comme les trois années précédentes, mais en commençant au mois de février cette fois, dès le départ de Yann M'Vila et la blessure de Romain Alessandrini. C'est d'ailleurs ce dernier, stratosphérique avant sa rupture des ligaments croisés, et sélectionné dans le groupe France par Didier Deschamps, qui allume le premier la poudre, en déclarant vouloir tout faire pour rejoindre l'Olympique de Marseille. Rennes se retrouve donc dans la situation où il droit trouver un entraîneur et probablement un ailier gauche. Le choix de Frédéric de Saint-Sernin se porte sur Philippe Montanier, élu meilleur coach de Liga avec la Real Sociedad qu'il vient d'emmener en Ligue des Champions (pour un succès encore plus retentissant, ils battent même Lyon en tour préliminaire cette année-là). Le président rennais espère faire d'une pierre deux coups. Recruter l'entraîneur du moment, et son petit joyau Antoine Griezmann, grand artisan de la belle saison de son équipe. Le natif de Mâcon accepte bien entendu instantanément, et déclare au micro de France Bleu Armorique : "Oui, c'était tentant de jouer la Ligue des Champions, mais je tenais à continuer à travailler avec Philippe. C'est lui qui m'a fait découvrir que je pouvais apporter devant, je suis, comme lui, gardien de formation, vous saviez ?"
La place de Benoît Costil étant inamovible, c'est donc bien devant que Griezmann prend place. Sur le côté gauche, en remplacement de Romain Alessandrini, parti cirer le banc de son club de coeur. La première saison se passe très bien, et Antoine Griezmann devient même le chouchou des supporters après son ouverture du score au stade de la Beaujoire, suivie d'un "chut" mimé en direction des fans nantais. Geste qu'il réitèrera deux saisons plus tard d'ailleurs. Griezmann rate la finale de la Coupe de France contre Guingamp, et parvient à participer de justesse à la Coupe du Monde 2014, suite à des points de suture posés sur la joue qu'il s'est entaillée en répondant à son coach au téléphone alors qu'il était en train de se raser.
Aujourd'hui, malgré quelques offensives de clubs de Bundesliga, Antoine est toujours présent au Stade Rennais, et a également été un grand acteur de la qualification en Europa League, de par sa grinta, son sens du collectif, et un paquet de buts importants marqués, comme le doublé contre Nantes au Roazhon Park pour ne citer que lui. Il se blesse en fin de saison, mais les valeurs qu'il a insufflées permettent à l'équipe de se transcender et d'arracher son ticket.
Djibril Sidibé
Philippe Montanier, à son arrivée, compose avec une rotation entre les lnexpérimentés Steven Moreira et Benjamin Pavard. La première saison du premier est relativement décevante, et assez loin des belles promesses qu'il pouvait afficher pendant sa formation. Il est donc congédié sans autre forme de procès dès l'été suivant, et le Stade Rennais décide de profiter de l'arrivée de Corchia au LOSC pour les débarrasser de leur jeune espoir Djibril Sidibé, condamné au banc de touche. La transaction sera assez naturelle, et son montant s'élèvera à environ trois millions d'euros.
Sidibé s'impose assez vite dans le couloir droit, et ravit par son entente avec la charnière centrale Armand-Varane d'une part, et ses combinaisons offensives avec Kamil Grosicki ou Jonathan Pitroipa d'autre part. Il délivre ainsi sept passes décisives lors de sa première saison rennaise, et commence intuitivement l'exercice suivant dans la peau d'un titulaire. Irréprochable lors de la période d'invincibilité rennaise qui courra d'octobre à décembre, il commence à marquer le pas par la suite, tout en gardant la confiance de son entraîneur. Au mois de janvier 2015, peu avant l'éviction de Philippe Montanier, il saborde le retour de son coéquipier Yoann Gourcuff en le taclant involontairement par derrière lors d'un derby contre Lorient, ce qui prolongera son indisponibilité de deux mois. S'attirant les foudres de René Ruello, Sidibé est relégué en réserve, ce qui permettra à Benjamin Pavard de prouver ses compétences à Rolland Courbis, qui le titularisera jusqu'à la dernière journée.
Courbis étant à son tour évincé pour laisser la place à Christian Gourcuff, Djibril Sidibé retrouve un poste de titulaire, et reprend peu à peu ses marques, Pavard jouant, lui, les matches de coupe. Depuis l'intronisation de Sabri Lamouchi, c'est une alternance parfaite qui a pris place entre les deux joueurs, Sidibé jouant les matches où Rennes peut s'exprimer offensivement, là où Pavard joue ceux où l'équipe est plus repliée.
Alphonse Aréola
Dernier arrivé en date, Alphonse Aréola pose ses valises à la Piverdière seulement l'an dernier. Rennes recrute le désormais seul champion du monde français ne comptant aucune sélection pour pallier le départ de celui qui gardait ses cages depuis six ans, Benoît Costil. Le Paris Saint-Germain est au départ assez réticent à vendre un portier qui bataillait avec Kevin Trapp pour le poste de numéro un, qui plus est un titi formé au club, mais ses prestations durant la saison précédente ayant été assez insuffisantes par rapport au niveau attendu du dernier rempart d'un club de ce standing (Aréola a été raillé fréquemment pour le ratio surdimensionné de buts/frappes cadrées des adversaires du club de la capitale), les dirigeants finissent par céder, et à ouvrir la porte à leur jeune gardien. Rennes, de son côté, envoie un message fort à Abdoulaye Diallo, qui était désigné depuis quelques années pour être le successeur de Costil.
Et Alphonse Aréola prouve très vite que le staff breton ne s'est pas trompé en comptant sur lui. La blessure d'Ousmane Dembélé en début de saison créant quelques pannes offensives, l'ancien Parisien est contraint de s'imposer dans sa zone de vérité pour maintenir l'équipage à flot. Rennes termine la saison avec une défaite en 14 matches, mais aucune victoire par plus de deux buts d'écart, ce qui permet de mettre un peu plus en évidence l'importance de son rôle. Mieux encore, Alphonse Aréola, en remplaçant Benoît Costil à Rennes, le remplace également poste pour poste en Équipe de France. Oui, parfois Didier Deschamps ne se prend pas la tête. Et il a bien raison. On est champions du monde. Même si pour Alphonse, interrogé en marge du match amical contre Everton à Vitré, "l'important c'est qu'on soit en Europa League et en possession du bâton de Bourbotte".